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L’espace du Génie : premier parc photovoltaïque au sol citoyen du Grand Est

par | Mai 30, 2022 | Projet | 0 commentaires

Préambule

Situé au sud-ouest de Nancy, le « Pays Terres de Lorraine » regroupe un espace rural et péri-urbain dont la ville principale est Toul (15 000 habitants). D’une superficie de 1 400 km2, le « Pays » regroupe les Communautés de Communes Terres Touloises (CC2T), Moselle & Madon, Pays du Saintois et Pays de Colombey Sud Toulois.

Ces quatre Communautés de Communes se sont engagées en 2014 dans la démarche « TEPos » (Territoire à Energie Positive), via le Pays Terres de Lorraine. Ce dernier a ensuite été retenu en tant que lauréat du programme TEPCV une année plus tard.
Aujourd’hui, la mairie d’Ecrouves et la CC2T sont en passe de concrétiser un ambitieux projet de production d’énergies renouvelables : celui de développer le premier parc solaire au sol citoyen du Grand Est.

Interview d’Olivier HEYOB, Vice-Président énergie, plan climat et réseau de chaleur
de la Communautés de communes des Terres Touloises.

Pour commencer, pouvez-vous nous dire où se trouve le site ? 

Nous sommes actuellement sur la commune d’Ecrouves, sur le site du 15 ème Régiment du Génie de l’Air (15 °RGA), dissous en juillet 1998 et transformée en ZAC. En 2023, ce sera notre parc photovoltaïque au sol citoyen ! D’une puissance comprise entre 11,3 MWc et 12,4 MWc, c’est plus de 25 000 panneaux solaires qui viendront occuper ce site de 13 hectares pour produire une électricité renouvelable en milieu urbain, en face de notre Communauté de Communes et du centre aquatique l’Ovive. C’est l’équivalent de la consommation de 2740 foyers, chauffage inclus et 5174 tonnes d’émission de CO2 évitées par an.

Pourquoi avoir fait le choix de ce type d’aménagement ?

Le site étant inoccupé depuis 1998 et limitrophe de l’ancienne décharge communale polluée, la question d’un nouvel usage était posé. D’une surface assez importante pour avoir une viabilité économique, Il est propice à l’installation d’un parc photovoltaïque au sol et nous avons décidé de travailler le sujet en nous regroupant autour du Pays Terres de Lorraine.
Nous n’oublions pas pour autant les autres EnR mais nous avons peu de zones propices au développement éolien, soumises à d’importantes contraintes réglementaires, et travaillons déjà sur des réseaux de chaleur bois dont celui d’Ecrouves en fonctionnement et celui de Toul en projet.

Quelle a été votre stratégie pour lancer votre projet ? 

Nous avons tout d’abord travaillé avec le Pays et les autres communautés de communes qu’ils établissent les conditions dans lesquelles le territoire souhaitait voir se développer le photovoltaïque au sol. Le partenariat avec le Pays nous permet de bénéficier de son ingénierie pour nous aider à prendre des décisions et nous accompagner dans le cadre de la démarche de Territoire à Energie Positive.
Ces échanges entres élus ont permis de définir un cahier des charges et de s’approprier le sujet. Cela a conduit à la rédaction d’un Appel à Candidature : « Partenariat pour l’accompagnement du territoire Terres de Lorraine dans le repérage et la réalisation d’un ou plusieurs projets de parcs photovoltaïques participatifs ».

Combien de réponses avez-vous reçu ?
Engagée en 2018, cette procédure a permis de recevoir huit candidatures et d’en retenir deux. Les développeurs nous ont permis de détecter 21 sites potentiels. Parmi-eux, nombreux se sont avérés non réalisables et trois sont à un stade de développement avancé, à Pierre-la Treiche, à Villey-Saint-Etienne et ici, à Ecrouves.
Celui qui travaille avec nous sur le parc solaire de l’espace du Génie est un groupement composé de la Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC ENErgic) Enercoop Nord Est, de la Société d’Economie Mixte (SEM) SIPEnR et d’Energie Partagée. Ces acteurs nous ont rapidement proposé d’aller plus loin que le simple financement participatif afin de développer un projet citoyen.

Deuxième réunion publique – octobre 2020

Ces prestataires que vous évoquez, se sont-ils engagés à respecter des conditions particulières ?

Oui, bien sûr ! Nous ne souhaitions pas être spectateurs des projets mais avoir un pouvoir de décision sur les choix de développement. Nous avons pu imposer nos conditions via la signature d’une convention de partenariat qui reprend certains points de l’appel à candidature.
Ainsi, nos partenaires ont l’obligation de :
• concentrer leurs études sur des terrains sans valeur agronomique,
• faciliter l’accès aux marchés de travaux et de maintenance du futur parc à des entreprises locales
• ouvrir le capital des sociétés de projets aux acteurs locaux
• ne pas vendre ni ouvrir le capital à des sociétés crée (SAS) à des investisseurs extérieurs avant la durée maximale autorisée par le code du commerce; soit 10 ans.
L’adhésion des fournisseurs de modules à l’éco-organisme SOREN et le fait d’associer les habitants et acteurs du territoire à la gouvernance étaient également indispensable.

L’aspect financier justement parlons-en ! A combien s’élève le coût total de cette opération et comment a-t-elle été financée ?

La phase de développement a intégralement été prise en charge par le groupement de développeurs. Recherche de sites, analyses du site d’Ecrouves avec étude environnementale et paysagère, procédures administratives (enquête publique, permis de construire, candidature AO CRE, etc) et concertation. Cela permet de ne pas mettre en jeu les ressources financières communales et intercommunales tout en ayant une place au financement futur de la société de projet.
Pour la partie travaux, les coûts sont estimés à un peu plus de 10 millions d’euros du fait de l’augmentation actuelle des prix des matières premières. Plus de 80% sera apporté par un prêt bancaire, les fonds propres seront donc d’environ 2 000 000€. La commune et la CCTT pourront prendre des parts en direct tandis que les habitants pourront participer au financement de projet en prenant des parts dans des sociétés d’intermédiation citoyenne comme la Société Coopérative d’Intérêt Collectif Enercoop Nord Est (SCIC ENErgic) ou chez Énergie Partagée Investissement.

Comment se concrétise le volet « citoyen » au sein du projet, en dehors de l’initiative d’avoir lancé un appel à candidature ?

Ce projet citoyen se base sur trois points qui me semblent fondamentaux : le comité de pilotage, la concertation et le financement du projet.

Atelier sur les enjeux paysagers et environnementaux du site – décembre 2019

Le comité de pilotage est composé des trois acteurs locaux, la commune d’Ecrouves, la Communauté de Communes et le Pays Terres de Lorraine. Avec le groupement de développement, ils prennent des décisions stratégiques comme sur le budget de développement, la validation du projet avant dépôt de la demande de permis de construire, la validation du contenu du dossier de demande de tarif d’achat de l’électricité, etc. Chacun dispose d’une voix et les décisions doivent être prises à l’unanimité !
Au niveau de la concertation, nous travaillons avec le réseau GECLER pour former les habitants et acteurs locaux aux spécificités du modèle citoyen afin que chacun puisse contribuer au projet, de la phase de développement jusqu’à l’exploitation.
Le financement du projet est ouvert à la mairie, à l’intercommunalité et aux citoyens. Ces trois acteurs peuvent investir afin de suivre sont évolution et d’avoir une place dans la gouvernance du projet durant toute sa vie !

Pouvez-vous nous retracer le chemin parcouru et à venir en quelques dates ?

Juin 2018 : fin de l’appel à candidature.
21 mai 2019 : réunion de lancement avec le groupement de développement.
19 décembre 2019 : première réunion publique.
11 mars 2020 : dépôt du dossier de permis de construire suite à la fin des études d’impacts.
27 mai 2021: obtention du permis de construire.
8 mars 2022 : notre projet est lauréat de l’appel d’offre de la commission de régulation de l’énergie 5.1 après une première tentative en juillet 2021 !
Printemps 2024 : Mise en service (sous réserve que le gouvernement ait mis en place rapidement des aides à la filière en réponse à l’augmentation des prix des matières premières qui grève tous les projets actuellement) !

Pour finir, auriez-vous un conseil pour les territoires qui souhaiteraient, comme vous, réaliser des parcs solaires citoyens ?

Pour ce type de projet de la phase de réflexion au dépôt du dossier à la CRE il peut se passer de 3 à 5
ans. J’encourage donc les élus à se structurer et réaliser une analyse des forces et faiblesses de leur
territoire et de définir des axes de travail. Tout cela à une échelle la plus pertinente possible sans
s’arrêter aux limites administratives.
Nous avons aussi besoin de disposer dans cette organisation du territoire d’une ingénierie. Sur ce point
je souhaite remercier le Pays Terres de Lorraine à travers ses hommes compétents, investis et leur
accompagnement pour l’ensemble de la démarche.

Ressources complémentaires concernant le contrôle étroit et les procédures (AMI, MIS, etc) ici.

 

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