Il est possible de faire de l’énergie citoyenne à travers des réseaux de chaleur, la preuve : des collectifs citoyens se sont déjà lancés sur leur territoire. Pourquoi pas chez nous ? Nous explorerons quelques aspects des réseaux de chaleur bois énergie citoyens, en répondant à cinq questions pour mieux comprendre leur fonctionnement et avantages.
D’abord, un réseau de chaleur, qu’est-ce que c’est ?
Un réseau de chaleur est un système de distribution de chaleur à partir d’une installation de production centralisée et à destination de plusieurs consommateurs. La chaleur est transportée au sein d’un ensemble de canalisations. Il se compose de 3 éléments principaux :
- La chaufferie : c’est le système de production centralisée de chaleur, qui peut comporter une ou plusieurs chaudières.
- Les canalisations : elles véhiculent un fluide caloporteur (eau ou vapeur d’eau) qui assure le transport de l’énergie thermique.
- Les sous-stations : ce sont les échangeurs qui constituent les points de livraison de la chaleur.
Légende : Ministère de la transition énergétique
Il y a une distinction entre un réseau de chaleur avec vente de chaleur à des tiers et un réseau dit « technique » dont l’énergie est utilisée par le propriétaire même du réseau. Par ailleurs, un réseau de chaleur peut être privé ou public, selon la nature de la maîtrise d’ouvrage. Voici un schéma explicatif des types de réseaux de chaleur :
Il faut noter qu’un réseau de chaleur peut utiliser différentes sources d’énergie pour produire de la chaleur, nous pouvons citer parmi ces sources d’énergies le gaz, le bois énergie, la géothermie.
Après avoir vu ce qu’est un réseau de chaleur nous allons nous intéresser aux réseaux ayant pour source d’énergie le bois et plus précisément aux réseaux de chaleur renouvelable citoyens.
En quoi un projet est-il citoyen ?
Dans le domaine de la chaleur renouvelable bois, l’opérateur énergétique territorial qui va développer ces réseaux, est une organisation qui coordonne plusieurs acteurs de la filière bois pour produire et ou distribuer de l’énergie. Il est intéressant de noter qu’un opérateur énergétique territorial peut se développer sur d’autres filières, d’autres services énergétiques…
Un projet citoyen d’énergie renouvelable est un projet qui ouvre son investissement et sa gouvernance aux citoyens, en associant les acteurs du territoire. Les collectifs citoyens qui se sont lancés dans les réseaux de chaleur bois ont développé plusieurs modèles, sous la forme d’opérateurs énergétiques territoriaux ou non. Par exemple, un autre modèle très différent est celui d’ACACIA : une association entre voisins pour créer un réseau de chaleur à l’échelle d’un quartier. Ceci permet de mutualiser une chaufferie plutôt que d’avoir chacun son système de chauffage. Ainsi selon les objectifs, proposer une solution très localement ou répliquer un projet sur plusieurs sites, on peut imaginer différentes solutions.
Un développeur privé réalisant un réseau de chaleur sur un territoire est indépendant sur les choix à faire, sur les entreprises prestataires, sur la provenance de la ressource. Ainsi les retombées économiques ne profiteront pas forcément aux territoires.
Un projet à gouvernance locale permet quant à lui aux collectivités et aux citoyens d’être moteurs de la transition énergétique sur leur territoire, en développant, finançant et en prenant part à la gouvernance des projets. Cela crée des dynamiques locales, une adhésion forte aux projets énergétiques, tout en maximisant les retombées économiques pour le territoire. Les projets citoyens permettent aux acteurs du territoire de s’approprier des projets en prenant des décisions telle que la provenance de la ressource pour produire de la chaleur, s’agissant du bois énergie en choisissant un fournisseur de plaquettes du territoire, par exemple. Ces projets favorisent des choix vertueux, et font bénéficier les territoires des retombées économiques et sociales associées.
Pourquoi vouloir développer ces types de projets en Grand Est ?
En France, la chaleur représente 40% des besoins d’énergie, parmi ces 40% moins de ¼ est de l’énergie renouvelable.
Les projets citoyens existants distribuant de la chaleur renouvelable sont nés dans des contextes caractérisés par des besoins plutôt faibles au sein de territoires ruraux, avec des petits projets potentiels à réaliser ; le manque d’action publique, qui s’explique par un manque de ressources des collectivités, à la fois humaines et financières ; l’absence d’action privée classique, qui s’explique principalement par le manque de lucrativité et le risque trop important car nous visons ici les projets inférieurs à 1 MW.
Certains collectifs proposent des services de fourniture de chaleur clé en main (comme Forest’EnR ci-contre), ce qui peut simplifier la réalisation de projets sur des territoires qui manqueraient de ressources humaines pour les mener à bien, au contraire d’une commune qui souhaiterait gérer son réseau elle-même, avec des agents communaux.
Nous pouvons également mettre en lien la possibilité de développer des réseaux de chaleur dans le Grand-Est à la disponibilité de la ressource bois. D’après l’IGN (institut national de l’information géographique et forestière) la ressource est disponible et en croissance, par conséquent le bois pourra alimenter les réseaux de chaleur sans crainte de manquer d’approvisionnement sur du long terme, à condition de veiller à mener des rénovations performantes des bâtiments au préalable pour diminuer les besoins en chaleur et préserver la ressource.
Où en sont les réflexions à l’échelle nationale, régionale et locale ?
La loi de 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte prévoit une multiplication par 5 de la chaleur renouvelable et de récupération livrée par les réseaux de chaleur entre 2012 et 2030. Il y a donc une volonté de développer des réseaux de chaleur renouvelable au niveau national qui se fait ressentir. De nombreuses mesures sont prises par l’État comme par exemple :
- Assurer l’intégration des EnR&R (énergies renouvelables et de récupération) dans les politiques / plans territoriaux et documents d’urbanisme ;
- Faciliter le recours au classement des réseaux qui permet à une collectivité de rendre obligatoire le raccordement à son réseau de chaleur, pour les nouveaux bâtiments ou les bâtiments lourdement rénovés. Les réseaux classés sont des réseaux alimentés par au moins 50% d’énergie renouvelable.
Nous pouvons également citer le fonds chaleur de l’ADEME. Le fonds chaleur est un dispositif qui vise à soutenir financièrement les études de faisabilité et les investissements pour le développement des réseaux de chaleur qui recourent aux énergies thermiques renouvelables. Vous trouverez ici les objectifs chiffrés du fonds chaleur de l’ADEME.
Énergie Partagée a publié en février une feuille de route sur la chaleur renouvelable citoyenne faisant un état des lieux accompagné de recommandations à l’attention des porteurs de projets et des pouvoirs publics pour faciliter le développement de réseaux de chaleur citoyens.
Au niveau local, nous constatons des actions menées pour encourager le développement des réseaux de chaleur. Des groupes de travail sur cette thématique sont mis en place et animés par les acteurs des territoires, des études de faisabilité sont également lancées par des collectivités territoriales en vue de réaliser ces projets.
Je suis dans un collectif citoyen, par où commencer ?
Pour se lancer dans un projet de chaleur renouvelable et développer des réseaux, il faut commencer par se former sur le sujet. Il est également possible de s’associer à des partenaires locaux (fabricants de chaudières, installateurs, fournisseurs de bois…).
Énergie Partagée a rédigé des retours d’expériences sur six opérateurs à gouvernance partagée réalisant des réseaux de chaleur bois énergie sur d’autres régions. Vous pourrez vous inspirer des opérateurs existants, identifier leurs pratiques et l’adapter à votre territoire.
Il faudra identifier les communes souhaitant développer les réseaux de chaleur bois énergie sur son territoire et qui ne peuvent pas réaliser les projets car l’investissement est important, ou ne souhaitent pas s’occuper de la gestion. Proposer aux communes des services clé en main, c’est répondre à leur besoin car c’est vous qui vous occupez de la conception, la réalisation, le financement, la vente de chaleur, la maintenance, l’exploitation.
Ce qui sera important ici c’est de trouver des bâtiments avec une consommation conséquente et stable, mais également identifier une zone dense. La densité d’une zone se caractérise par la proximité des bâtiments susceptibles de se raccorder au réseau. La densité énergétique est la quantité de l’énergie divisée par la longueur du réseau.
Une valeur minimale est imposée par l’ADEME, en dessous de laquelle un projet ne bénéficiera pas d’aide à l’investissement. La densité devra être d’au moins 1,5 MWh/mètre de réseau. En effet, pour des questions d’efficacité énergétique, en dessous de ce seuil il est préférable d’installer des chaudières par bâtiment car la faible densité entraînerait des pertes non négligeables. Pour des questions de rentabilité il est nécessaire de trouver des consommateurs et obtenir des pré engagements avant de lancer le projet.
L’avantage du modèle citoyen, c’est donner la possibilité aux consommateurs de devenir acteurs du projet,
de participer à sa gouvernance et d’assurer de la transparence.
Pour en savoir plus sur le sujet :
Bois énergie : comprendre les bases d’un projet citoyen
La chaleur renouvelable, un enjeu pour l’énergie citoyenne
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